Italie : émeutes corporatistes

par militant-blog.org (traduit de l’Italien)

tassisti-saluti-romaniCe n’est certainement pas un hasard que la réaction corporatiste des chauffeurs de taxi d’il y a quelques jours à Rome[1] fut un terrain fertile pour l’extrême droite.  Si l’actualisation du concept de fascisme (pas de celui de néofascisme, attention) a encore un sens historique, ceci se retrouve exactement dans les émeutes corporatistes des chauffeurs de taxi, à Rome comme en Italie, en Europe et dans le reste du monde. C’est une réaction à une perte du statut socio-économique qui pousse les chauffeurs à la mobilisation. Cependant, cette réaction pourrait apparaître comme une spéculation pour la défense des tous les autres innombrables droits sociaux qui ont été piétinés par le libéralisme. En réalité, pour les chauffeurs de taxi la question principale n’est pas la lutte contre le « sharing economy » (économie collaborative) ou contre les autres formes de capitalisme envahissant globalisé : chaque chauffeur en effet, au-delà de son propre problème professionnel, est bien content d’augmenter son propre pouvoir d’achat en voyageant dans le monde avec les compagnies low fares, en passant son séjour avec  Airbnb, en réservant son dîner sur Foodora ou Deliveroo, en téléchargeant sa musique sur Spotify, en se déplaçant avec Blablacar et ainsi de suite d’innombrables autres applications qui opposent la relation entre «producteur» et «consommateur». Et si les chauffeurs de taxi n’étaient pas directement impliqués, ils n’auraient même pas de problème à utiliser Uber, évidemment hors de leur zone de travail. La manifestation des chauffeurs de taxi, et donc le fascisme contenu en elle, n’implique pas une critique de l’économie politique contemporaine. Les chauffeurs de taxi s’intéressent uniquement à défendre leur propre statut économique, qui est celui d’une petite bourgeoisie qui voit perdre son  revenu garantit par la licence de taxi.  Une licence pour laquelle ils se sont endettés, et qui leur auraient permis, dans leurs rêves  bourgeois, de progresser sur l’ échelles sociale, au point de devenir à un moment des rentiers.

Cet investissement est maintenant mis en crise par les transformations du capitalisme libéralisé, qui pour définition casse chaque revenu qui ne vient pas des grosses concentrations financières. Le reste des rapports sociaux ne serait absolument pas touché par une éventuelle victoire du lobby des taxis sur le gouvernement. C’est une mobilisation pour l’intérêt et l’avantage exclusif d’une catégorie, ni générale, ni généralisable. Ceci est l’exact opposé des luttes syndicales, pour lesquelles chaque lutte gagnée représente une avancée dans les droits de toute la société salariée. C’est ici la différence entre la revendication syndicale et le lobbyisme corporatiste : ce dernier se caractérise comme une réaction à la perte d’un privilège et non à l’élargissement des droits à l’égard de tous et toutes.

Clairement, derrière la rhétorique de la sharing economy se cache le fruit empoisonné de l’attaque aux droits sociaux des travailleurs salariés. Une attaque qui n’arrive pas « par décret », c’est-à-dire par une volonté politique de tel ou tel personnage politique. Cette attaque réside dans la dynamique même du capitalisme, qui en innovant constamment sa manière de se reproduire, tue toutes les initiatives non utiles à la réalisation du profit.

Uber comme le reste de la « sharing economy » n’a pas été inventé ou conçu pour soutenir une ligne politique particulière: cela est l’inévitable trajectoire du capitalisme dans sa forme néo-libérale contemporaine.

Les chauffeurs, dans ce cas comparables au monde artisanal des métiers disparu à la fin du XIXe siècle, ne peuvent plus être intégrés dans le flux économique-productif de l’économie globale. C’est pour cette raison, qu’ils sont destinés à disparaître, tout en restant une curiosité touristique mais en perdent leur fonction réelle dans la mobilité urbaine. Comme pour les pousse-pousse en Chine, qui aura le monopole de cette activité continuera à dégager des profits, mais son rôle sera marginal. Par ailleurs, le fordisme n’a pas fait disparaître le petit ou le moyen artisan, mais il a changé le cours de son histoire : d’un modèle productif-reproductif typique d’une société à une fantaisie élitiste pour un cercle restreint de favorisés.

Cela ne se traduit évidemment pas en un partage de richesses produites, mais plutôt en un contrôle monopolistique des moyens de productions. Il s’agit d’une bataille politique, pas corporatiste contre telle ou telle application post-moderniste. C’est pour cette raison cela est une bataille générale contre un modèle reproductif, qui ne prévoit pas une marche en arrière vers un ancien monde fantasmé, mais la capacité de contrôler ces flux de capital aujourd’hui anarchiques et dominés par le grand capital contre le plus petit.

Il y aura pas de résistance qui ne passe pas par le contrôle public, c’est-à-dire politique, sur ces flux du capital. Toutefois, cela est exactement ce que les chauffeurs ne veulent pas, puisque mettrait à rude épreuve les fondements sur lesquelles repose le rêve de cette bourgeoisie: mimer le moyen de reproduction capitaliste sans posséder les capitaux.

Source : http://www.militant-blog.org/?p=14135#more-14135

[1]Note de la traductrice. Pour plus d’info voir https://francais.rt.com/international/34287-chauffeurs-taxi-romains-manifestent-contre-amendement-uber

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